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Titre du blog : ECRIRE PAR DESSUS TOUT.
Auteur : alain_girard
Date de création : 24-11-2015
 
posté le 15-01-2016 à 16:34:40

IL N’EN SAVAIT RIEN (suite 2)

Il n'en savait rien (suite 2)

 

 

 

Le silence ouvrit grand ses bras ainsi que même le soleil s’y blottit. Combien de temps étaient-ils restés sans plus un mot, sans plus un geste ? Dans la douceur, la nuit unit toutes les ombres. Un petit clair de lune ondoyait quelques clartés dans la pièce. Quand il releva la tête plongée entre ses mains, le fauteuil était vide, la silhouette qui avait frappé à sa porte venait de déserter le fauteuil. Il alluma les deux petites lampes, vit les deux verres qui se frôlaient sur la table basse, la bouteille de niaule vide.

Tout était vide. Tout en un instant, toute une vie défilait devant ses yeux. Ses écrits lointains lui revenaient en mémoire, des photos oubliées s’accrochaient aux murs, mais ce que l’on put dire de lui, ici ou là, il ne savait l’imaginer. 
Il se dirigea vers la porte toujours ouverte et, dans la nuit pleine, il n’aperçut que cette lumière lointaine à la fenêtre de Madame Bonnefoie. Il aurait voulu lui dire :


-
  Vous êtes comme ma mère, vous savez tout de moi, dites-moi qui est Chris, que se passe-t-il dans ma vie qui me bouleverse à ce point ?

-
  Entre Petit…

-
  Pouvez-vous m’aider à comprendre aujourd’hui, moi qui ait tellement voulu m’échapper d’hier ?

 

 - Assied-toi, ne t’inquiètes pas, elle dort là haut, je lui ai prêté ma chambre…

-
   Je ne voulais plus me poser de question, vous le savez bien !

-
   Ce ne sont pas les questions qui font les pas de la vie, c’est la vie qui nous met en question, c’est elle qui fait bouger notre corps, notre âme, notre cœur. La vie, vois-tu, quoi que nous décidions, a toujours quelque chose à évoquer et cela tant que nous respirerons.

-
  Elle dort là haut ?

-
  Elle est là haut...

- Dois-je monter lui parler?

-
  Prend patience ! Tu as fuit les questions, alors donne-lui le temps de poser les siennes !


- Que veut-elle me demander ?
 

- Elle t’a cherché longtemps, à présent elle ne détournera pas ses pas tant qu’elle et toi n’aurez compris à quoi vous ressemblez…

- Je ne ressemble qu’à l’exil…

- Peut-être est-elle un miroir qui t’offrira un chemin d’hier sur la route d’aujourd’hui…

- Un miroir, alors que j’ignore même son nom ?

- Un miroir à deux faces, qui sait…

Il quitta Madame Bonnefoie, sachant que la silhouette se reposerait en paix dans cette vieille maison pleine de sagesse. Il creusa, ce soir-là, à nouveau le chemin qu’il voulait impraticable, espérant pourtant, profondément en lui que Chris reviendrait et lui dirait, au moins, son nom.

Son chemin, quoi qu’il pensa, n’était plus impraticable, il entra chez lui où la nuit avait déposée toute la fraîcheur d’un jour de printemps à peine éclos. Il repoussa la porte, ferma la fenêtre, rejoignit son fidèle fauteuil à demi éventré et dans la douce lumière des deux petites lampes se surprit à se poser des questions.

Chris, songea-t-il, c’est bien Chris, c’est bien elle avec ce visage si frais, ses traits sans la moindre ride comme si le temps n’avait eu, sur elle, aucune emprise. Dès qu’elle a franchi le seuil de ma maison, je l’ai bien reconnue ! Qui me dira le contraire, moi qui l’ai tant aimée ? Qui m’enlèverait ce bel amour d’il y a … Quoi ? Vingt-cinq, vingt-six ans ?

 

La nuit passa entière. Il n’avait quitté son fauteuil. D’écrits en photos sa mémoire ne cessait de se réveiller. Le sommeil posa sur ses paupières des rêves où les souvenirs d’autrefois vacillent comme des songes imprécis bien q’ils disent tant de choses. Les premières lueurs du jour ne vinrent à bout de son rêve. Il y restait blotti. Il s’y enfermait. Lorsque la porte s’ouvrit, il rêvait à voix haute :


-
   Qui me dira le contraire ? Je sais bien son nom, je l’ai tant épelé : Chris ! Qui me dira le contraire….

-  Moi, dit la silhouette … Je ne suis pas Chris, je te l’ai dit…

 

Il se redressa dans son fauteuil, se frotta les yeux, à demi en dormi, à demi éveillé, il la vit là, à nouveau, devant lui… Chris, murmura-t-il ?


-
  Non, Suzanne…

 

- Moi, dit la silhouette … Je ne suis pas Chris, je te l’ai dit…

Ce visage pourtant lui parlait tant qu’il en aurait renié son exil, qu’il se serait renié lui-même tant il était sûr de lui !


-
   Chris, dit-il… Oh pardon Suzanne ! Il faut que je fasse ma toilette, sans cela je ne sortirai pas de mon sommeil !

-
  Je vais descendre au ruisseau, viens m’y retrouver si tu veux! Elle tira la porte derrière elle.

 

Il se dirigea, comme chaque jour vers la cuvette sous la pompe à eau. Devant le petit miroir il décida de se raser. Il activa le bras de la pompe tout en songeant :« Chris, Suzanne… » La cuvette déborda, l’eau fuyait sur le sol comme il avait fuit un jourquelque part dans sa vie. Qu’avait-il fuit ? Le savait-il lui-même ? Et puis, à présent, quelle importance cela pourrait avoir ?

 « Et revoilà, des questions, pensait-il ! »

Il s’essuya le visage, se frotta vigoureusement les cheveux et posa ses vêtements, tout éclaboussés, sur le rebord de la fenêtre au soleil.
Il devinait, de là, la silhouette de Suzanne, assise près du ruisseau qui, sûrement, lui fredonnait, dans ses clapotis, une petite mélodie d’espoir. Les espoirs qu’elle portait en elle depuis si longtemps et qu’à présent elle voulait réaliser.
Il s’habilla, retourna vers le petit miroir, essaya de mettre un peu d’ordre dans ses cheveux, respira profondément et se dirigea vers la porte. 

Le chemin qu’il creusait lui parut presque absurde, il prit – sur la gauche – le sentier qui descendait au ruisseau. 
Il s’assit près d’elle. Le ruisseau éblouit de soleil chantait. La vallée, à cet endroit, semait une paix intense. La paix propice aux confidences. La paix dont on ne trouve la route que lorsque le cœur a souffert, lorsque la vie nous a mordu, lorsque l’on a compris qu’elle seule est un bien précieux.
Qui poserait la première question ? Qui dirait le premier mot ? Qui, dans cette paix, aurait un geste pour l’autre ?


-
   Veux-tu ? - Pourquoi ? Dirent-ils ensemble…

-
   Oh pardon, s’exclama t il !

-
   Non, non… dit-elle !

-
  Pour venir ici ton chemin a été long ?

-
  Je te l’ai dit, j’ai voyagé dans tes écrits, parmi des photos et ce que l’on m’a dit de toi, mais le plus difficile fut de me décider à venir… Cela m’a pris du temps…

-
  Qu’es-tu venue chercher ?

-
  Il fallait que je te rencontre, cela appartient à ma vie…

-
  Je ne suis guère important, tu sais ! Voici longtemps que je n’existe plus pour personne, à part Madame Bonnefoie, c’est moi qu’il l’ait décidé…

-
  Je sais… mais tu ne peux demander à quelqu’un qui t’aime de se renier lui-même !

-
 Je ne demande rien à personne… Qu’es-tu en train de me dire ?

-
  L’amour crée des choses… Le temps les façonne… Quelque soit l’endroit où l’on vit si l’amour doit nous toucher, nous ne pouvons l’en empêcher…

-
  De quel amour parles-tu ?

-
  De celui que j’ai pour toi…

 

Il la regarda. Son visage le touchait profondément. Chris, pensa t il ! Suzanne ! Le miroir a double face ! Madame Bonnefoie ! Le ruisseau murmurait les tendres beautés que la source, cachée dans la montagne, laissait venir, une à une, jusqu’à eux. 

-  Suzanne…

-  Oui ?

-   Donnons-nous le temps de nous apprendre…

Ils remontèrent par le petit sentier. Le soleil touchait le zénith. Elle le prit par le bras. Il la laissa faire.

Dans la maison, le fauteuil demi éventré, la table basse les accueillir. Un profond silence s’installa entre eux bien qu’ils savaient, à présent, qu’ils avaient beaucoup à se dire.

 

 à suivre.....
Copyright.Tous Droits Réservés par Alain Girard

 

 


 

 

Commentaires

fanfan76 le 15-01-2016 à 21:06:19
Mais seront-ils se comprendre? Et doit-il rompre cette solitude choisie ou non ? ...

Merci Alain, mes amitiés, fanfan